Un énième gouvernement de « transition » et de crise, et pourtant, …
Le très récent rapport de la Banque centrale de Tunisie (BCT) et la note de conjoncture de la même BCT concluent, parfois en filigrane, à l’aggravation continue de l’inflation, du chômage et la dégradation des fondamentaux.
Les publications abondent pour étayer une situation politique particulière en Tunisie, frappée par une pandémie des plus improbables.
Bien sûr, on peut expliquer cette situation par la volonté des pouvoirs publics de mener, en parallèle à la nouvelle construction d’une démocratie, une politique économique ayant pour coût collatéral une hausse du chômage. Résultats des courses, en Tunisie, le chômage a connu la plus forte hausse depuis l’indépendance, sans pour autant qu’il y ait une amélioration significative sur le plan de la stabilité des prix, au contraire, même, une nette régression du pouvoir d’achat.
La crise actuelle (transition et pandémie) semble des plus graves, dans la mesure où, à sa durée, s’ajoute un sentiment d’impuissance face à la fragilisation progressive du bien-être social. Certes, la crise actuelle et le niveau inquiétant du chômage sont souvent imputés à d’autres causes que celles avancées par les fluctuations des gains de productivité et/ou par la détérioration du climat des affaires.
Certes, les phases de croissance rapide de la productivité globale des facteurs ont été réalisées le plus souvent pendant les périodes de prospérité. Elles sont caractérisées par un niveau d’emploi élevé.
La hausse du chômage, elle, est corrélée avec une baisse significative de la productivité, fortement sous-tendue par un climat politique et un climat social des plus déplorables, notamment en période de transition. Il vient, donc, que le moyen de retrouver un niveau élevé d’emploi n’est pas seulement de renoncer aux gains de productivité, mais de créer les conditions pour que la demande globale (consommation privée et investissement public et privé) s’établisse à un niveau suffisant pour inciter les entreprises à produire plus (et employer plus) pour satisfaire le surcroît de demande.
Or, l’origine incontestable de la situation dans laquelle se trouve la Tunisie, c’est le niveau anormalement élevé des taux d’intérêt depuis 2013.
L’écart critique, depuis le 14 janvier, entre le taux d’intérêt réel et le taux de croissance (communément appelée la « Règle de Taylor revisitée»), modifie les anticipations des opérateurs, dont notamment:
En premier lieu, le niveau élevé des taux d’intérêt qui incite aussi l’Etat à réduire le rythme des investissements publics pour éviter un trop fort gonflement de la charge d’intérêt des emprunts publics. Quant aux entreprises, pour rester rentables et maintenir leur marge de profit, elles sont amenées à réduire la part consacrée aux salaires et/ou à accroître leurs prix d’offre. En tout état de cause, une politique de rigueur excessive décourage l’investissement et donc la demande de travail par les entreprises.
En deuxième lieu, une demande de consommation et d’investissement amorphe et instable incite les entreprises à comprimer et/ou à baisser encore les salaires et à comprimer l’emploi.
Le cercle vicieux cumulatif se met en place
Pour preuve, la dépréciation du dinar qui provoque un regain d’inflation, qui à son tour alimente la dépréciation du dinar.
Résultats des courses, il ne reste plus aux autorités monétaires, en l’occurrence la BCT, qu’à relever les taux d’intérêt courts et longs.
L’aggravation du chômage a joué paradoxalement un rôle instrumental dans cette stratégie de désinflation en permettant la modération salariale.
La stratégie de désinflation a eu un effet mitigé sur l’inflation, mais la Tunisie n’a pas récolté tous les fruits de ses efforts puisque les taux d’intérêt demeurent encore trop élevés. En effet, un chômage de plus en plus élevé et la tendance à la dépréciation du dinar déplaisent aux marchés financiers (dont la Bourse des Valeurs mobilières de Tunis) qui savent qu’un gouvernement ne peut trop sacrifier les objectifs sociaux au profit des équilibres internes et externes. Rétablir les équilibres financiers aux dépens des équilibres sociaux n’est donc pas crédible longtemps.
De la croissance inclusive à la cohésion sociale :
« L’ineptie de la politique financière» (2)